Depuis le début de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covi-19, les compagnies d’assurance sont dans le collimateur de nombre de leurs assurés, et notamment des entreprises à raison des pertes d’exploitation qu’elles ont subies du fait de la paralysie, totale ou partielle, de leur activité économique.
L’exclusion de principe du risque pandémique ou épidémique des contrats d’assurance et le refus systématique des compagnies d’accorder leur garantie du fait de ce dernier sont l’occasion de revenir sur le jeu des exclusions contractuelles de garantie.
Qu’est-ce qu’une clause d’exclusion de garantie ?
La clause d’exclusion est donc celle qui prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque [1].
Les exclusions de garantie sont propres à chaque assureur qui est libre de déterminer sa garantie comme bon lui semble.
Ces exclusions contractuelles sont à rapprocher, mais à distinguer néanmoins, des conditions de garantie.
On peut schématiser le distinguo ainsi :
il y a condition de garantie lorsque l’assuré met à la charge de l’assuré des obligations de prévention ou de respect de conditions.
Il y a exclusion de garantie lorsque la garantie fait l’objet d’une restriction a priori.
Si la différence apparaît subtile, l’enjeu de cette distinction réside dans la charge probatoire.
Dans un arrêt du 23 octobre 2019 [2], la Cour de cassation a en effet rappelé que les clauses d’exclusion doivent être prouvées par l’assureur, à la différence des conditions de garantie dont la preuve incombe à l’assuré.
« (…) Qu’en statuant ainsi, alors qu’il appartenait à la société Helvetia assurances, dont le principe de la garantie était acquis dès lors que la marchandise avait été réceptionnée avariée à la suite de la rupture de la chaîne du froid au plus tard le cinquième jour suivant l’arrivée du navire au port de Lomé, d’établir une éventuelle cause d’exclusion de sa garantie, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs (…) »
Exemple :
“Le vol n’est couvert que s’il a lieu de jour” : condition de garantie.
Dans ce cas, c’est à l’assuré de démontrer que le vol a eu lieu de jour.
“Les vols survenus la nuit sont exclus” : exclusion de garantie.
Dans cette seconde formulation, il appartient à l’assureur de prouver que le vol a été commis la nuit. Preuve qui n’est pas toujours simple à établir, il est vrai.
Rappelons ici qu’en cas de doute, celui-ci profite à l’assuré.
La validité des clauses d’exclusion de garantie n’est pas automatique.
Ces clauses sont régulièrement « challengées » par les juridictions.
Pour que l’assureur puisse valablement s’en prévaloir et ainsi refuser une prise en charge, les clauses d’exclusion doivent répondre à des conditions strictes de validité, tant sur le fond que sur la forme.
Ainsi, sur le fond, l’exclusion doit être formelle et limitée. L’article L. 113-1 du Code des assurances dispose en effet que :
“Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police”.
La jurisprudence retient que la portée ou l’étendue de l’exclusion doit être “nette, précise, sans incertitude, pour que l’assuré sache exactement dans quels cas et dans quelles conditions il n’est pas garanti” [3].
La clause qui nécessite une interprétation ne peut être considérée comme formelle [4].
Ne sont pas limitées les clauses qui, par leur nombre ou leur étendue, vident le contrat de sa substance et annulent pratiquement la garantie fournie par la police [5].
Sur la forme et à peine de nullité, l’exclusion doit être rédigée « en caractères très apparents » [6], c’est-à-dire attirer spécialement l’attention de l’assuré.
La jurisprudence constante et bien établie précise encore que l’exclusion de garantie n’est opposable :
au souscripteur que si elle a été acceptée par ce dernier antérieurement au sinistre, ce dont l’assureur doit rapporter la preuve [7].
qu’à la condition qu’elle figure dans une police (ou une note de couverture) qui a été portée à connaissance du souscripteur avant la survenance du sinistre [8].
Lorsqu’elle répond à ces exigences, l’exclusion est également opposable au tiers victime [9].
Enfin, la connaissance d’une clause d’exclusion ou de garantie ne se présume pas.
C’est notamment ce qu’a jugé la Cour de cassation le 27 mai 2003 (pourvoi n°00-13401) dans une affaire où la société MACIF se prévalait d’une clause d’exclusion relative aux vols commis lorsque le bateau était confié à un professionnel pour gardiennage, hivernage, entretien, réparation ou vente.
La Haute juridiction a retenu que : “Attendu que pour accueillir l’exclusion de garantie opposée par l’assureur et débouter M. X…, l’arrêt attaqué retient qu’au moment de la souscription du contrat, l’assuré ne pouvait apprécier les conditions particulières qu’après avoir pris connaissance des conditions générales et ainsi pu mesurer l’étendue de la garantie proposée et que M. X…, qui avait choisi d’agir contre la société qu’il avait chargée du gardiennage du bateau, ne pouvait que connaître ces conditions générales ;
Attendu, cependant, que la cour d’appel avait constaté que M. X… n’avait reçu de son assureur que l’attestation d’assurance du 11 mai 1990, l’intercalaire n° 001 du 8 juin 1990, l’appel de prime du 8 juin 1990, les appels de prime des années 1991 et 1992 et l’intercalaire n° 001 du 20 mai 1992 ; qu’en présumant la connaissance des conditions générales par l’assuré, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l’assureur ne pouvait avoir porté à la connaissance de l’assuré les conditions générales de la police et, par conséquent, la clause d’exclusion litigieuse, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; Par ces motifs : casse et annule (…)”.
Que faire en cas de litige avec l’assureur ?
Tout d’abord, il s’agit de reprendre son contrat d’assurance pour vérifier les conditions de prise en charge du sinistre par l’assurance, ainsi que l’existence des exclusions de garanties invoquées par l’assureur.
Attention : lorsque, dans un contrat, il existe une contradiction entre les conditions générales (le fascicule type qui est remis à l’assuré à la souscription) et les conditions particulières (le document personnalisé qui est adressé à l’assuré une fois la souscription entérinée par l’assureur), alors ce sont les conditions particulières qui l’emportent selon le principe “specialia generalibus derogant”, le spécial déroge au général.
Ensuite, il convient, par lettre recommandée avec accusé de réception, de mettre en demeure l’assureur soit de justifier de son refus de prise en charge, soit d’indemniser le sinistre dans les délais convenus par le contrat.
Dans tous les cas, une exclusion de garantie peut se contester en quatre étapes successives :
1. envoi d’une lettre recommandée adressée à l’assureur et contestant l’application de l’exclusion ;
2. demande de résolution du litige auprès de la compagnie d’assurance ;
3. saisine du Médiateur de l’assurance ;
4. recours à un tribunal.
Le pouvoir d’appréciation des juges et ses limites.
Les juges du fond sont tenus de rechercher si la clause est valable au regard des dispositions légales, mais en aucun cas, ils ne peuvent soulever d’office une exclusion non invoquée par l’assureur.
Ils ne peuvent pas non plus se livrer à une quelconque interprétation d’une clause claire et précise devant recevoir application. À défaut, la Cour de cassation censure leur décision pour dénaturation.
Dans un arrêt du 9 décembre 2010, elle a ainsi sanctionné la Cour d’appel pour avoir interprété une clause d’exclusion, pourtant claire et précise, afin de l’appliquer à une situation non expressément prévue par l’assureur [10].
De la même façon, elle a censuré la Cour d’appel qui, à la suite d’un vol, avait appliqué une exclusion au motif que l’assuré n’avait pas fermé ses volets, alors que la clause ne visait que la fermeture des portes à clé et celle des fenêtres [11].
Pour pouvoir opposer à leurs assurés les exclusions prévues dans leurs contrats, les compagnies d’assurances doivent donc non seulement leur permettre de connaître exactement l’étendue de la garantie, mais aussi veiller à ne pas privilégier l’aspect commercial des contrats d’assurance au détriment de l’obligation légale qui leur est faite d’attirer l’attention de l’assuré sur les exclusions.
A retenir.
Pour être valablement opposée à l’assuré, toute clause d’exclusion de garantie invoquée par l’assureur doit être formelle et limitée au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances, et figurer en caractères très apparents dans la police.
En vue de sa mise en œuvre, l’assureur doit démontrer la réunion des conditions de fait de l’exclusion. Il appartiendra ensuite au juge d’apprécier la validité de la clause.
Toutefois, le juge ne pourra pas se livrer à une quelconque interprétation d’une exclusion claire et précise devant recevoir application.
Notes :
[1] Cass. 1re civ., 26 nov. 1996, n° 94-16.058.[2] Arrêt du 23 octobre 2019 n° de pourvoi : 18-14140.[3] Cass. 3e civ., 24 mars 2015, n° 13-25.737 – Cass. 2e civ., 9 juin 2016, n° 15-20.106 – Cass. 3e civ., 24 nov. 2016, n° 15-26.090 – Cass. 2e civ., 26 oct. 2017, n° 16-23.696.[4] Cass. 2e civ., 8 oct. 2009, n° 08-19.646 – Cass. 2e civ., 29 mars 2018, n° 17-21.708.[5] Cass. 3e civ., 8 juin 2010, n° 09-12.968 – Cass. 3e civ., 16 nov. 2017, n° 16-21.278.[6] Article L. 112-4 du Code des assurances.[7] Cass. 2e civ., 2 juill. 2015, n° 14-15.517.[8] Cass. 3e civ., 13 juill. 2017, n° 16-17.229.[9] Cass. 3e civ., 13 juill. 2017, n° 16-17.229, précité.[10] [Cass., civ. 2e, 9 décembre 2010, n° 09-17471.[11] Cass., civ. 2e, 3 mars 2011, n° 10-14832.